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Marques sonores

FAITES DU BRUIT !

A l’heure où, en France, le projet de loi sur la protection du chant du coq, des cigales ou encore des odeurs de fumier, vient d’être adopté en première lecture par l’Assemblée nationale au titre du « patrimoine sensoriel des campagnes », quel est le point commun entre les différents sons ci-dessous ?

Ils ont tous récemment fait l’objet d’un enregistrement à titre de marque de l’Union Européenne !

La réforme dite du « Paquet Marques » a en effet modifié substantiellement les législations européennes et françaises en la matière, en supprimant notamment l’exigence de représentation graphique en matière de marque, permettant ainsi la protection de marques sonores, animées ou encore multimédia.

Le signe doit simplement désormais « pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire » (CPI, art. L. 711-1, al. 2), cette condition pouvant être remplie grâce au dépôt d’un fichier MP3.

Ces mesures sont entrées en vigueur en France le 11 décembre 2019, et c’est donc logiquement que l’INPI a publié la première demande de marque française sonore le 17 janvier (non encore enregistrée):

 

Si la protection de ce type de marque sonore se trouve clairement facilitée, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives aux déposants, de nombreuses interrogations se posent malgré tout en pratique.

Comment apprécier le caractère distinctif d’une telle marque ? Quels critères seront pris en compte ? Comment sera appréciée la fonction première de la marque, à savoir d’identification d’origine des produits et/ou services ? A titre d’exemple, l’EUIPO a déjà refusé d’enregistrer une sonnerie d’alarme / téléphone au motif qu’il s’agissait d’un signe (composé d’une répétition de notes), considéré comme banal et commun, non mémorisé par le consommateur, et ne permettant dès lors pas d’identifier l’origine commerciale des produits et services visés au dépôt.

Quels seront les critères appliqués pour comparer deux signes sonores dans le cadre d’une opposition ou d’une action en contrefaçon ? Une analyse technique du son sera-t-elle effectuée ? Un son « original » bénéficiant d’une protection au titre du droit d’auteur, les tribunaux seront probablement largement saisis de ce type de question, le droit d’auteur ne pouvant être utilisé comme base d’une opposition ou d’une action en nullité (à venir) devant l’INPI.

Une action initiée sur la base d’une marque verbale antérieure sera-telle envisageable ? De la même manière, une marque sonore pourra-t-elle fonder une réclamation à l’encontre d’une marque verbale ? La question de la protection au-delà du son en lui-même pourra en effet se poser lorsque le signe sonore formera un élément verbal clairement perceptible (tel est par exemple le cas de la marque sonore de l’EUIPO du FUTBOL CLUB BARCELONA précédemment mentionnée).

Quels seront les produits et services à viser lors d’un dépôt ? Comment apporter la preuve d’un usage sérieux de ce type de marque, et quelle sera l’étendue de la protection conférée ? Comme pour tout autre type de marque, les produits et services auxquels ce son sera associé en pratique devront être visés au dépôt. En cas cependant de dépôt de l’identité sonore (« jingle ») d’une entreprise, il n’est pas évident que ce son soit considéré comme un usage de l’ensemble des produits et services visés aux dépôts.

Si une réflexion commune permettant d’éclairer certains éléments a été menée par les Offices nationaux via le programme de convergence de l’EUIPO, (https://www.euipo.europa.eu/tunnel-web/secure/webdav/guest/document_library/contentPdfs/about_euipo/who_we_are/common_communication/common_communication_8/common_communication8_fr.pdf), nul doute que la jurisprudence sera amenée à préciser ces multiples points dans un futur proche.

Nous suivrons bien entendu cela de près, tout comme le statut de ce premier dépôt français !

D’ici là nous sommes à votre disposition pour vous assister dans tout nouveau projet.

Perrine Waendendries est Conseil en Propriété Industrielle et cumule une expérience de plus de 15 ans en cabinets de conseil. Elle a rejoint Santarelli en 2016 et est titulaire d’un DESS droit de la propriété industrielle et des nouvelles technologies de l’Université Lille 2. Perrine gère des portefeuilles mondiaux de droits de propriété intellectuelle pour des clients exerçant dans des domaines d’activités variés, et est également en charge, pour le compte de la CNCPI, de l’organisation des sessions de formation de préparation à l’EQF Marques.