Découvrez toutes nos actualités

Un nouveau venu dans le paysage de la PI : Le système régional des marques eurasiatiques

Le système eurasiatique des marques est le résultat de la ratification, le 29 mai 2014, du traité de l’Union économique eurasiatique (UEEA) qui unit actuellement la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, l’Arménie et le Kirghizistan. L’UEEA a pour objectif d’encourager la libre circulation des biens et des services et prévoit des politiques communes dans la sphère macroéconomique, les transports, l’industrie et l’agriculture, l’énergie, le commerce extérieur et les investissements, les douanes, la réglementation technique, la concurrence et la réglementation antitrust.

Cet accord économique a permis la ratification du Traité sur les marques et les appellations d’origine de l’UEEA du 3 février 2020, suivi des instructions du Traité sur les marques et les appellations d’origine de l’UEEA.

Il est intéressant de noter que ce traité n’est pas encore mis en application, contrairement au Protocole sur la protection des dessins et modèles adopté le 9 septembre 2019, qui est opérationnel depuis le 1er juin 2021 pour l’enregistrement des modèles industriels eurasiatiques (https://www.eapo.org/en/index.php?newspress=view&d=1201).

Bien que sa mise en œuvre ne soit pas encore effective, nous avons une vision assez concrète des principales caractéristiques que devrait avoir la marque eurasiatique. Néanmoins, toutes les informations dont nous disposons correspondent à ce qui semble être prévu à l’heure actuelle et peuvent encore faire l’objet de modifications.

En pratique, celle-ci présentera certaines similitudes avec la marque de l’UE : une marque unique ayant des effets dans tous les pays membres, ce qui constitue donc un outil potentiellement précieux et prometteur, tant du point de vue de la gestion que des coûts.

Quoi

Les différents types de marques susceptibles d’être enregistrées devront être représentés graphiquement et sont donc censés être des marques : verbales, figuratives, tridimensionnelles ou la combinaison de celles-ci.

En revanche, les signes ne pourront être enregistrés s’ils  manquent de caractère distinctif ou sont descriptifs ou déceptifs.

Le manque de caractère distinctif ne pourra être surmonté que si ce dernier est acquis dans tous les Etats membres de l’UEEA.

Un certain nombre d’autres points méritent d’être soulignés en ce qui concerne les demandes de dépôt:

  • Une demande de dépôt pour plusieurs classes sera possible ;
  • Aucune preuve d’usage ou d’intention d’usage ne sera requise pour déposer une demande (principe du premier arrivé, premier servi) ;
  • Les marques seront protégées sous la forme sous laquelle elles sont enregistrées : celles dans une couleur/police particulière ne couvriront pas automatiquement toutes les autres versions de couleur/police ;
  • La validité d’une marque eurasiatique sera de 10 ans à compter de la date de dépôt.

Il n’existe actuellement pas de bureau centralisé pour la gestion des marques eurasiatiques: une demande unique devra être déposée auprès de l’Office de l’un des cinq États membres. Aucune demande ou enregistrement de base ne sera nécessaire. Les demandeurs pourront s’adresser à l’Office national du pays de l’UEEA où ils ont un établissement effectif et sérieux. Les ressortissants d’États non membres de l’UEEA pourront s’adresser à n’importe quel Office national de l’UEEA.

Procédure :

L’Office qui a reçu la demande de marque eurasiatique procédera d’abord à un examen formel, puis un examen quant au fond pourra être effectué par tous les Offices de tous les États membres sur la base de motifs de refus absolus et/ou relatifs.

Dans le cas où une notification de refus provisoire sera émise par l’Office qui a reçu la demande, le demandeur aura la possibilité de déposer des modifications, de retirer sa demande de marque ou de transformer sa demande en différentes demandes nationales distinctes, avant que l’Office de dépôt ne rende sa décision finale.

Les marques eurasiatiques qui auront passé avec succès l’étape de l’examen seront publiées sur le site officiel de l’UEEA. Dans un délai de trois mois à compter de la publication, toute personne aura le droit de présenter des observations écrites contre une demande afin d’empêcher son enregistrement. Le demandeur disposera ensuite également d’un délai de trois mois pour répondre à ces observations à compter du moment où elles lui seront notifiées. Le délai total entre la demande de dépôt et l’enregistrement d’une marque eurasiatique devrait être d’environ huit mois (en l’absence d’actions de l’office ou d’un refus provisoire).

Les motifs relatifs de refus seront les suivants :

  • Identité ou similarité engendrant un risque de confusion avec les marques antérieures bénéficiant d’une protection/demande d’enregistrement au sein d’un Etat membre ;
  • Identité ou similarité avec des marques de renommée bénéficiant d’une protection dans un Etat membre ;
  • Identité ou similarité avec des signes voisins de tiers bénéficiant d’une protection dans un Etat membre (modèle, appellation d’origine, dénomination sociale, nom commercial, signe protégé par le droit d’auteur…).

Concernant les actions en annulation et la déchéance pour défaut d’usage

Toute personne pourra déposer une action en annulation. Il est important de noter que l’action ne peut être introduite que dans un délai de 5 ans à compter de la date d’enregistrement si elle est fondée sur des motifs relatifs. Toutefois, il n’y aura aucune limite pour introduire une action en annulation fondée sur des motifs absolus.

Dans le cas où l’un des Offices nationaux  prononcera une annulation, il y aura une annulation de l’enregistrement dans le Registre Unifié, mais la transformation en demandes nationales sera toujours une option pour le demandeur.

Enfin, en ce qui concerne les actions en déchéance pour défaut d’usage, elles seront possibles à partir de 3 ans à partir de la date d’enregistrement. Il est important de noter que la preuve de l’usage dans un seul État membre devrait être suffisante pour maintenir l’enregistrement de la marque eurasiatique.

Modifications ultérieures et enregistrements :

Un transfert du droit exclusif concernant une marque eurasiatique devra être enregistré auprès des Offices nationaux de tous les États membres de l’UEEA en même temps.

Un contrat de licence sur une marque eurasiatique devra être enregistré auprès de l’Office national de propriété intellectuelle de l’État membre de l’UEEA où le droit de licence est accordé.

Conclusion

Le système eurasiatique des marques n’est pas encore mis en application et un certain nombre d’aspects doivent encore être discutés entre les États membres.

Ces derniers doivent notamment encore s’organiser en ce qui concerne la gestion et les échanges d’informations entre les Offices nationaux. En outre, les taxes pour toutes les procédures relatives à la marque eurasiatique n’ont pas encore été validées.

L’intérêt de l’enregistrement d’une telle marque se posera notamment pour les entreprises à portée internationale et notamment si l’on prend en considération les potentielles intégrations futures d’autres États à l’Union économique eurasiatique.

Le système commencera très probablement à fonctionner au début de l’année 2022 et nous vous tiendrons au courant de son évolution. N’hésitez pas à nous contacter, notre équipe est là pour vous aider à élaborer des stratégies de dépôt adaptées à chaque situation.

Victor Blanloeil est un juriste français qui a récemment rejoint l’équipe des marques des bureaux de Paris. Il est titulaire d’un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle du Centre d’Etudes Internationales de la Propriété Intellectuelle. Il assiste une clientèle très variée, tant en France qu’à l’étranger, principalement sur des questions de marques et de dessins et modèles.