Loi PACTE : la demande provisoire de brevet
Article du 6 octobre 2020 de la revue Technica
Après la présentation de la réforme du certificat d’utilité, la nouvelle procédure d’opposition aux brevets français et la mise en place de l’examen de l’activité inventive par l’INPI, nous nous intéressons aujourd’hui à la quatrième et dernière mesure sur les brevets d’invention, instaurée par le Décret n°2020-15 du 8 janvier 2020 dans la continuité des discussions autour de la Loi Pacte.
Ce Décret donne la possibilité de déposer, à compter du 1er juillet 2020, une demande de brevet sous une forme simplifiée, qui, comme son nom l’indique, est provisoire.
Cette demande de brevet provisoire doit ensuite être formalisée par une demande de brevet français (ou de certificat d’utilité) dans l’année qui suit son dépôt.
Après avoir résumé les critères à satisfaire pour déposer valablement une demande de brevet provisoire et son intérêt, nous en présenterons les limites à bien connaitre afin d’éviter des déconvenues au moment de sa formalisation par le dépôt d’une demande de brevet français.
Les critères de dépôt d’une demande de brevet provisoire
Pour mémoire, une demande de brevet français doit comporter au moment du dépôt (ou dans un court délai de régularisation) une description, accompagnée le cas échéant de dessins, une ou plusieurs revendications et un abrégé. La description, les revendications et les dessins forment ce qu’il est courant d’appeler le contenu de la demande initiale de brevet. Ils délimitent ainsi l’invention telle qu’elle est décrite et présentée au moment du dépôt.
La demande de brevet provisoire est simplifiée en ce que seule la description (avec éventuellement des dessins) est requise au moment du dépôt.
Le déposant/inventeur obtient donc une date de dépôt pour cette demande de brevet provisoire : tout ce qui est décrit dans cette demande de brevet provisoire bénéficie ainsi de cette date de dépôt et forme son contenu. Ainsi, lors de l’examen ultérieur de la brevetabilité de la demande de brevet français formalisée sur la base de cette demande de brevet provisoire, les divulgations de ce contenu faites après cette date de dépôt, du fait de l’inventeur ou de tiers, ne sont pas opposables.
En théorie, n’importe quel type de documents écrits (articles, présentations, diaporama, minutes de conférences, …) peut constituer une « description » suffisante pour constituer une demande de brevet provisoire et obtenir une date de dépôt attribuée par l’INPI.
En ce sens, la demande de brevet provisoire peut être un outil appréciable pour prendre date sur l’objet d’une invention avant de devoir en divulguer le contenu au public, pas exemple dans un salon ou lors d’une conférence.
Toutefois, en pratique, la formalisation d’une demande de brevet provisoire en demande de brevet français doit respecter ensuite certaines règles, qui à défaut, peuvent entrainer la nullité du brevet français.
Les limites à connaître pour la formalisation d’une demande de brevet provisoire
La demande de brevet provisoire doit être formalisée dans un délai d’un an à compter de sa date de dépôt.
Il s’agit alors de compléter au besoin la description de la demande de brevet provisoire, et notamment d’y ajouter une ou plusieurs revendications si celles-ci n’étaient pas présentes dans la demande de brevet provisoire.
Toutefois, il est important de noter que tout ajout dans la demande de brevet français au moment de la formalisation, qui ne se déduit pas du contenu de la demande de brevet provisoire, ne bénéficiera pas de la date de dépôt de la demande de brevet provisoire, mais uniquement de la date de la formalisation.
L’examen de cet ajout est très strict : ainsi la généralisation dans la demande de brevet français d’un concept décrit uniquement sous la forme d’un exemple spécifique dans la demande de brevet provisoire ne bénéficiera pas de la date de dépôt de la demande provisoire. Il en sera de même par exemple pour une description d’une caractéristique uniquement représentée sur des dessins de la demande de brevet provisoire ; ou bien pour la description d’un mode de réalisation alternatif.
Dans un tel cas, si une protection est recherchée pour ces ajouts dans la demande de brevet français formalisée, ils auront pour date de dépôt effective la date de la formalisation ; et par conséquent, toutes les divulgations sur l’invention intervenues entre le dépôt de la demande de brevet provisoire et sa formalisation seront opposables et pourront détruire la nouveauté, et donc la brevetabilité, de la demande de brevet français.
Le risque est grand ainsi pour un déposant/inventeur mal informé de se croire protéger par le dépôt d’une demande de brevet provisoire ; et de se rendre compte au moment de la formalisation que malheureusement la protection par brevet de son invention n’est plus possible (ou réduite dans sa portée à ce qui était strictement décrit dans la demande de brevet provisoire).
Il est important de noter en outre que l’INPI n’établit pas sur une demande de brevet provisoire de rapport de recherche préliminaire, citant la technique antérieure pertinente.
Or, si une protection à l’étranger est recherchée pour l’invention, le dépôt d’une demande de brevet hors du territoire français devra également avoir lieu dans un délai d’un an (appelé délai de priorité) à compter de la date de dépôt de la demande de brevet provisoire.
Le déposant/inventeur n’aura ainsi pas d’indication de la part de l’INPI sur la brevetabilité de l’invention telle que décrite dans la demande de brevet provisoire au moment de sa prise de décision sur une éventuelle protection à l’étranger.
Le rapport de recherche préliminaire n’étant établi que sur une demande de brevet français, dans un délai de 7 à 9 mois de son dépôt, il est recommandable de formaliser la demande de brevet provisoire dans les deux ou trois mois après son dépôt pour espérer recevoir le rapport de recherche préliminaire et une première opinion sur la brevetabilité de l’invention en temps utile, avant de devoir prendre une décision et engager des frais supplémentaires pour se protéger en dehors du territoire français.
* *
* *
*
Ce nouvel outil instauré en marge de la loi Pacte doit donc être utilisé avec prudence et en pleine connaissance de cause de ses limites : la demande de brevet provisoire doit, dans la mesure du possible, être formellement très proche d’une demande de brevet français, et idéalement comporter des revendications pour généraliser autant que faire se peut l’invention sur laquelle une protection par brevet est recherchée.
Sa formalisation en demande de brevet français ne doit pas tarder, notamment si le déposant/inventeur souhaite recevoir un avis sur la brevetabilité de son invention avant d’engager d’autres démarches de protection, au-delà de la France.
Article rédigé par Hélène Stankoff.