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DE « L’EFFET PAPILLON » ROSE EN DROIT DES MARQUES… JURISPRUDENCE VENTE-PRIVEE : SUITE ET FIN ?

Par jugement du 3 octobre 2019, le TGI de Paris avait annulé la marque semi figurative « vente-privée »  associée à un dessin de papillon déposée par la société Vente-privée.com, estimant que cette dernière  était dépourvue de toute distinctivité pour désigner des évènements de ventes de biens de marques en déstockage, destinés à un public ciblé, et qu’elle revêtait de surcroît un caractère frauduleux, Vente-privée.com ne pouvant s’approprier  les termes génériques «vente privée» dans le but de nuire à la Concurrence.

Ce faisant, le TGI donnait ainsi raison aux griefs invoqués à l’encontre de cette marque par la société Showroomprive.com, concurrente de Vente-privée.com.

Dans son arrêt du 17 septembre 2021, la cour d’appel de Paris vient d’infirmer ce jugement en faisant valoir :

  • d’une part, que l’association de l’expression “vente-privée” et de la représentation d’un papillon de couleur rose s’avère intrinsèquement distinctive  en ce qu’elle sera perçue par le public comme apte à identifier les services précités comme provenant d’une entreprise déterminée;
  • d’autre part, que le dépôt de marque opéré n’est pas frauduleux, étant relevé que le caractère distinctif de la marque en cause est conféré par le signe figuratif pris dans son ensemble et n’interdit pas aux concurrents d’utiliser l’expression “vente privée” dans son sens usuel. Ce dépôt étant au contraire légitime en raison de l’usage continu fait par Vente-privée.com de l’expression « vente-privée » associée à un papillon rose.

La cour a donc jugé que la mauvaise foi de Vente-privée.com n’était pas démontrée et a condamné Showroomprive.com à verser à Vente-privee.com 30 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Cet arrêt s’inscrit dans le prolongement de la décision rendue par la cour d’appel de Paris le 31 mars 2015, laquelle avait retenu que, bien que la marque « vente-privée » ait été dépourvue de caractère distinctif au moment de son enregistrement, elle avait acquis un tel caractère par l’usage; les juges d’appel avaient alors pris en compte des éléments de preuve démontrant un usage intense de la marque après son enregistrement. Solution réaffirmée par la Cour de Cassation le 6 décembre 2016 au motif que la société Vente-privee.com avait bien démontré l’usage intense et continu du signe « vente-privée ».

L’attrait essentiel de cet arrêt du 17 septembre 2021 est qu’il refuse l’annulation pour dépôt frauduleux de la marque de la société Vente-privée.com au motif que l’expression générique « vente-privée » s’accompagne d’un élément figuratif – dessin d’un papillon rose – et que l’ensemble complexe formant ainsi ladite marque, outre qu’il n’empêche pas la Concurrence de faire usage de l’expression vente-privée, fait lui-même l’objet d’un usage continu de la part de Vente-privée.com.

En d’autres termes, la Cour d’appel tire – là encore – argument de l’usage continu de cette marque semi-figurative pour ‘purger’ cette dernière de tout caractère frauduleux.

La cour d’appel prend ainsi le contre-pied de la position adoptée par le TGI de Paris, lequel avait estimé que l’élément figuratif (le papillon de couleur rose) n’était pas en soi de nature à conférer à la marque semi-figurative incriminée une impression suffisamment éloignée de l’expression “vente privée” et de son sens usuel.

D’aucuns se féliciteront de cet arrêt qui affranchit du grief de fraude les marques génériques ayant acquis un caractère distinctif par l’usage, dès lors que celles-ci comportent un élément figuratif dont l’usage continu est explicitement démontré.

Ceci conduit évidemment à recommander de collecter et conserver précieusement toutes preuves à même d’attester un usage continu des marques lorsqu’il s’agit de marques associant termes génériques et élément figuratif.

Certains « esprits chagrins », quant à eux, resteront quelque peu dubitatifs sur l’impact ou le poids exercé par le papillon représenté au sein de la marque incriminée.

Les juges d’appel ont ici estimé qu’il s’agissait d’un élément à même de conférer à la marque son caractère distinctif et une physionomie d’ensemble qui lui est propre. Dont acte.

La position de la société Vente-privée.com (devenue VEEPEE depuis…sic) s’en serait toutefois trouver accrue si celle-ci avait pris la précaution de procéder à une description de la représentation du lépidoptère dans l’acte de dépôt, soulignant ainsi son intention de mettre en exergue l’identification de sa marque à travers l’élément figuratif.

C’est en tous cas une autre recommandation vers laquelle tendrait notre Cabinet en pareilles circonstances et nous restons à votre disposition pour vous conseiller et vous assister lors du choix de votre marque.

Richard Combes est Conseil en Propriété Industrielle depuis plus de 30 ans au sein du Cabinet Santarelli . Il assiste une Clientèle très variée, tant en France qu’à l’étranger, essentiellement sur des problématiques de marques et modèles et de droit d’auteur