Les Français aiment leur cuisine avec passion, exigence et fierté. Elle est un art, une tradition… mais aussi un terrain d’innovation où se mêlent savoir-faire, technique et esthétique. Et si l’on vous disait que certains plats pouvaient être brevetés, déposés comme modèles, voire protégés comme une marque ? Surprenant ? Pas tant que cela.

Dans un monde où l’originalité est convoitée et où la copie est à portée de clic, protéger ses créations culinaires devient un enjeu stratégique, autant pour les artisans que pour les grands groupes de l’agroalimentaire ou les chefs étoilés. Voici un tour d’horizon – inattendu mais bien réel – des leviers juridiques à disposition de celles et ceux qui font de la cuisine un acte créatif.

Tout commence en cuisine, là où les idées bouillonnent. Un assemblage inédit, une texture jamais vue, une cuisson repensée… Mais peut-on vraiment breveter une recette de cuisine ?

  • Le fondant au chocolat cœur coulant prêt à cuire, développé par les équipes de Paul Bocuse SA, a été protégé par un brevet français (FR2994025). Ce n’est pas la recette en elle-même qui est protégée, mais le procédé de congélation et de cuisson permettant d’assurer un cœur coulant à tous les coups.
  • Nestlé a breveté (EP1004578) une méthode pour obtenir une mousse au chocolat stable à température ambiante. Derrière ce dessert banal se cache un défi technique important pour l’industrie.
  • Aux États-Unis, des entreprises ont breveté des techniques de production automatisée de sushis, assurant à la fois régularité, tenue et temps de fabrication optimisés (US8597694).

Ces brevets montrent qu’en cuisine, l’innovation n’est pas toujours dans la recette, mais dans la manière de la produire ou de la servir.

Nous mangeons avec les yeux avant tout. Une assiette bien dressée, un gâteau à la forme atypique, un emballage qui attire l’œil… autant d’éléments qui peuvent être protégés par le droit des dessins et modèles.

  • Ferrero a déposé auprès de l’EUIPO la forme caractéristique de ses confiseries Raffaello. Il ne s’agit pas de protéger l’ingrédient ou le goût, mais l’enveloppe blanche, les aspérités, la présentation en rocher.
  • Une chaîne japonaise de restauration a déposé des modèles pour la présentation de ses plateaux de sushi, avec une disposition géométrique originale permettant une reconnaissance immédiate par les clients.
  • Pierre Hermé a protégé certaines formes de ses macarons, notamment celles à coques décorées ou embossées, à l’aide de dépôts de modèles auprès de l’INPI.

Dans tous ces cas, la présentation devient un élément d’identité. Le modèle déposé agit comme une barrière à la copie : toute reproduction visuelle proche peut être considérée comme une contrefaçon.

Certains plats deviennent si iconiques qu’on les appelle par leur nom comme s’il s’agissait d’une marque. Pourquoi ne pas en faire une véritable marque déposée ?

  • “Big Mac”, protégé en tant que marque verbale et visuelle par McDonald’s, désigne à la fois un nom, une architecture de produit et une identité visuelle.
  • KFC a déposé “Double Down” pour son sandwich sans pain, dont l’originalité marketing tient au fait que deux filets de poulet remplacent le pain.
  • Toblerone a protégé la forme triangulaire de sa tablette comme marque tridimensionnelle, montrant qu’un produit alimentaire peut devenir reconnaissable au premier coup d’œil.

Déposer une marque autour d’un produit alimentaire ou d’un plat emblématique, c’est créer un actif intangible à haute valeur ajoutée.

À l’heure actuelle, le goût ne peut pas être protégé par le droit de la propriété industrielle. Il ne s’agit pas d’une œuvre de l’esprit (au sens du droit d’auteur) ni d’une invention technique. De même, une recette purement traditionnelle (ex. : tarte Tatin, coq au vin) n’est pas protégeable en tant que telle.

Cependant, les savoir-faire régionaux peuvent être protégés par les indications géographiques (lien vers la page AOP IGP) (AOP, IGP), comme c’est le cas pour :

  • Le Roquefort
  • Le Camembert de Normandie
  • Le Piment d’Espelette

Ces signes de qualité ne protègent pas une recette unique, mais un ensemble de caractéristiques géographiques, historiques et techniques rattachées à une origine.

Déposer un brevet, enregistrer une marque ou déposer un modèle n’est pas réservé aux multinationales. De nombreux chefs indépendants, artisans boulangers ou pâtissiers, traiteurs innovants peuvent — et doivent — envisager ces protections pour :

  • Valoriser leur innovation face aux concurrents
  • Structurer leur croissance (licence, franchise, extension de gamme)
  • Prévenir la copie ou les litiges
  • Créer des actifs immatériels valorisables