Introduction
Vous êtes titulaire d’un Certificat d’Obtention Végétale (COV), et vous avez identifié un produit qui est manifestement une copie de votre variété. Que faire ?
Comment agir ? Y a-t-il des délais à respecter ?
Que vous soyez titulaire d’un COV national ou communautaire n’a pas d’influence sur la manière dont le contentieux sera géré : en effet, la contrefaçon en France d’un COV ne peut être appréciée que par un tribunal national français, même si le COV est communautaire.
Seules les lois nationales sont applicables.

Il n’y a pas de texte de lois communautaires au regard des procédures de contrefaçon de COV. Cependant, le Règlement de Base du COV communautaire (Règlement CE N°2100/94, ci-après « Règlement de Base ») énonce certains principes fondamentaux (Art. 94-107), notamment en ce qui concerne les règles de compétence pour savoir quel tribunal peut / doit être saisi lorsque le COV est communautaire (Art.101). L’Art.103 précise que les règles de procédure de l’Etat de ce tribunal devront s’appliquer.
Enfin, l’Art.107 assure que les tribunaux nationaux appliquent envers les COV communautaires les mêmes sanctions et remèdes qu’envers les COV nationaux. La Directive 2004/48/EC sur le renforcement des droits de propriété intellectuelle s’appliquant également aux COVs communautaires explicite plus précisément toutes les mesures (de fond ou provisoires) qui peuvent être prises envers les contrefacteurs.
La loi française en matière de COV a quant à elle été mise en conformité en 2011 avec les principes de la Directive 2004/48/EC, et en reprend aujourd’hui les principales recommandations. Plus précisément, les articles du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) concernant les mesures de défense des droits des titulaires des COVs sont compris dans la section 3 du chapitre III du CPI, plus précisément aux articles L623-25 à L623-35CPI.
Qui peut agir ?
Tout titulaire d’un COV délivré et en vigueur peut agir en contrefaçon. Pour agir en contrefaçon, vous devez donc pouvoir prouver que les taxes annuelles ont régulièrement été payées depuis le dépôt du Certificat, et que vous êtes bien titulaire du titre (depuis l’origine ou par acquisition). Ces informations sont visibles sur le registre des certificats d’obtention végétale, et sont donc accessibles à tout tiers.
Le licencié exclusif d’un COV peut également agir en contrefaçon, s’il a mis en demeure le titulaire du COV et que celui-ci décide de ne pas exercer cette action lui-même (L623-25CPI).
Comment agir ?
Seuls les Conseils en Propriété Industrielle et les avocats spécialisés en Propriété Industrielle peuvent défendre les intérêts des titulaires de COVs ou les présumés contrefacteurs de COVs auprès des Tribunaux compétents.
Pour déterminer quels sont ces Tribunaux compétents, il faut identifier qui est le contrefacteur, où est son domicile, ainsi que le lieu de la contrefaçon (i.e., où sont cultivées les variétés soupçonnées contrefaisantes, et également où elles sont vendues).
Si le COV est communautaire, les règles de compétence dictées par le Règlement CE N°2100/94 en son article 101(2), prévoient que les actions en contrefaçon (ou autres actions en lien avec un COV communautaire) peuvent être portées :
- devant le Tribunal national compétent de l’Etat de l’UE dans lequel le contrefacteur a son domicile, son siège ou un établissement, ou
- devant le Tribunal national compétent de l’Etat de l’UE dans lequel le titulaire du COV a son domicile, si le domicile, siège ou établissement du contrefacteur n’est pas dans un pays de l’Union Européenne,
- devant le Tribunal national compétent de la France (Etat membre où l’OCVV a son siège) si ni le contrefacteur ni le demandeur ne sont domiciliés dans un pays de l’UE
L’Article 101(3) du Règlement CE N°2100/94 prévoit en outre que les procédures d’actions en contrefaçon peuvent également être portées devant un Tribunal compétent du pays où la contrefaçon a lieu. Ainsi, lorsque le COV est communautaire, les tribunaux français seront compétents pour toute action impliquant un acte de contrefaçon de COV en France.
Si l’affaire implique un COV national français, seul un Tribunal français pourra être saisi. Les Tribunaux compétents en France pour connaître de l’ensemble du contentieux impliquant un COV sont les Tribunaux Judiciaires de Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Lille, Lyon, Nancy, Paris, Rennes et Fort-de-France, ainsi que les Cours d’Appel auxquelles ils sont rattachés.
Comment agir ?
Il est possible d’agir en contrefaçon sur la base d’un COV dès lors qu’il est publié (L.623-15CPI et L623-26CPI). A défaut, il convient de notifier au contrefacteur présumé une copie conforme de la demande de certificat, après quoi les faits pourront être constatés et poursuivis (L623-26CPI).
Il n’est donc pas nécessaire d’attendre que la demande de COV ait été accordée par l’Office. Dans le cas d’une action en contrefaçon sur la base d’un COV non délivré, le tribunal saisi devra cependant surseoir à statuer jusqu’à la délivrance du COV, et appliquera ensuite deux régimes de sanctions envers le contrefacteur :
devant le Tribunal national compétent de l’Etat de l’UE dans lequel le contrefacteur a son domicile, son siège ou un établissPour les faits produits antérieurement à la publication de la délivrance du COV, le dédommagement au titulaire se fera sur la base d’une « rémunération équitable ». Cette rémunération équitable n’est due que pour les actes de contrefaçon impliquant des constituants variétaux (i.e., des végétaux ou parties de végétaux capables de reproduire la variété)[1].
Pour les faits qui se sont produits postérieurement à la publication de la délivrance du COV, le contrefacteur pourra être également enjoint à cesser la contrefaçon et/ou à réparer le préjudice subi par le titulaire du COV (Art.94RB).
Par ailleurs, les actions en contrefaçon de COV communautaire se prescrivent par trois ans à compter de la date à laquelle le COV communautaire a été accordé et à laquelle le titulaire a pris connaissance de l’acte et de l’identité de l’auteur de la contrefaçon, et, en l’absence de cette connaissance, trente ans après l’acte de contrefaçon (Art.96RB). La CJUE a précisé dans sa décision du 14 octobre 2021 (C-186/18) que le point de départ de ce délai se situe « à la date de l’évènement survenu en dernier lieu, à savoir soit à la date de l’octroi de la protection communautaire, soit à la date de connaissance de l’acte de contrefaçon ainsi que de l’identité de son auteur » (emphase ajoutée), que l’acte de contrefaçon ait cessé ou continué après cette prise de connaissance.
Pour un COV français, la durée de la prescription est de cinq ans, et débute le jour où le titulaire du COV prend connaissance ou « aurait dû connaitre » le « dernier fait » contrefaisant (L.623-29 CPI). Cette formulation particulière (différente de celle du RB) implique qu’un titulaire de COV peut obtenir réparation pour toute activité contrefaisante survenue antérieurement à l’engagement de l’action (tant que l’action a été engagée moins de cinq ans après que le titulaire du COV a pris connaissance du dernier fait contrefaisant), sans limite temporelle.
Qui est contrefacteur ?
Est contrefactrice toute personne morale ou physique qui produit, reproduit, conditionne aux fins de reproduction ou de multiplication, offre à la vente, vend ou commercialise sous toute autre forme, exporte, importe ou détient à l’une de ces fins du matériel de reproduction ou de multiplication de la variété protégée (Art. L623-4CPI).
En vertu du point III de cet article L623-4CPI, est également contrefactrice toute personne morale ou physique qui effectue un des actes ci-dessus mentionnés sur une variété qui diffère de manière non-substantielle de la variété protégée (en d’autres termes, qui ne se distingue pas nettement de la variété protégée) ou sur une variété qui nécessite l’utilisation répétée de la variété protégée.
Enfin, est également contrefactrice toute personne morale ou physique qui effectue un des actes ci-dessus mentionnés sur une variété « essentiellement dérivée » de la variété protégée – sauf si la variété protégée est elle-même « essentiellement dérivée » d’une autre variété protégée (L623-4CPI). Une variété végétale A’ est considérée comme « essentiellement dérivée » de la variété initiale A si elle est directement dérivée de A ou si elle est dérivée d’une variété elle-même dérivée de A, et si A’ se distingue nettement de A mais contient les caractères essentiels résultant du génotype ou de la combinaison de génotype de A (point IV de L623-4CPI).
En droit français, sont également considérées comme contrefactrices les personnes qui utilisent de manière incorrecte ou abusive la dénomination variétale d’une variété couverte par un COV (L623-25CPI).
Différentes dispositions juridiques ont été établies en fonction de la partie du végétal produite ou distribuée par le tiers contrefacteur :
S’il s’agit d’un « constituant variétal » (i.e., le végétal entier ou une partie du végétal capable de régénérer un spécimen de la variété protégée), la contrefaçon est interdite de manière absolue, sans dérogation possible (il s’agit d’un acte de contrefaçon « primaire »).
S’il s’agit d’un « matériel de récolte » (i.e., une partie du végétal obtenue à partir de la plante protégée, qui est incapable de régénérer la plante – par exemple une fleur coupée ou une feuille), une dérogation existe : un tiers peut en effet être exempté de contrefaçon s’il peut prouver que le titulaire du COV l’avait autorisé à utiliser des constituants variétaux de la plante protégée ou si le titulaire aurait pu raisonnablement exercer son droit en relation avec ce matériel (Art.13.3RB).
Dans ce contexte législatif déjà complexe, deux dispositions supplémentaires ont par ailleurs été prévues pour déroger aux règles ci-dessus dans le but de faciliter le travail des agriculteurs et des obtenteurs de nouvelles variétés à partir de variétés protégées par COV :
- D’une part, le « privilège de l’agriculteur » permet aux agriculteurs d’utiliser le produit de leur récolte pour réensemencer leur champ sans avoir à obtenir l’autorisation préalable du titulaire du COV.
Cependant, ce « privilège » ne concerne que 34 semences de ferme particulièrement usitées en agriculture, qui sont nommées explicitement dans l’article 14RB (L623-24-1CPI) et dans la règle R623-59CPI introduite par le décret n°2014-869 du 1er Août 2014. Les agriculteurs produisant et réutilisant l’une de ces 34 semences doivent, si elles sont protégées par COV, indemniser le titulaire du COV en lui payant une « rémunération équitable » (L623-24-2CPI). Seuls les « petits agriculteurs » au sens de l’Art.14RB sont exemptés de cette obligation de rétribuer le titulaire du COV (voir aussi l’article 7 du Règlement CE 1768/95).
- D’autre part, « l’exemption du sélectionneur » permet à tout tiers d’utiliser une variété couverte par un COV en vue de créer ou de développer d’autres variétés (Art.15RB et L623-4-1CPI).
Dans le cas où une variété couverte par COV est utilisée pour créer d’autres variétés, ces dernières ne pourront être exploitées sans l’autorisation du titulaire du COV que si elles se distinguent nettement de la variété protégée, si elles ne nécessitent pas l’emploi répété de la variété protégée, ou si cette variété n’est pas « essentiellement dérivée » de celle-ci (cf. L623-4 III et IV CPI).
Quelles sanctions sont encourues par le contrefacteur de COV ?
S’agissant des sanctions civiles, un juge pourra ordonner notamment l’interdiction de poursuivre les actes illicites, la confiscation ou la destruction de la variété contrefaite et des matériaux et outils ayant servi à leur fabrication, leur rappel ou leur écartement définitif des circuits commerciaux, ces opérations étant à la charge financière du contrefacteur (L623-27CPI et L623-28-1CPI).
Il pourra également ordonner le paiement de dommages & intérêts compensant le manque à gagner, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et/ou le préjudice moral causé au titulaire du COV (L623-28CPI).
La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement (L623-32-1CPI et L623-28-1CPI), aux frais du contrefacteur (L623-32-1CPI et L623-28-1CPI).
Enfin, le juge peut ordonner au contrefacteur de fournir tous documents ou informations permettant au titulaire du COV de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants (Art. L623-27-2CPI).
Conclusion
Face à un contrefacteur, n’hésitez pas à vous défendre. Mais avant d’entamer toute action, vérifiez bien vos droits et prenez conseil auprès d’un Conseil en Propriété Industrielle de SANTARELLI sur les diverses solutions possibles.
En partenariat avec ses avocats, celui-ci vous aidera à i) vous assurer de la validité de vos droits, ii) collecter les preuves de la contrefaçon, iii) faire ordonner et réaliser une saisie-contrefaçon, iv) mettre en demeure le tiers suspecté de contrefaçon, v) négocier un accord de licence avec le tiers, ou, le cas échéant, vi) vous aider à préparer le procès.
November 2025
- Cf. l’arrêt du 19 décembre 2019 dans l’affaire C-176/18, au sujet des fruits de mandariniers vendus avant que le COV qui couvrait lesdits mandariniers ne soit accordé.ement, ou