
Le développement rapide des technologies numériques pose des questions cruciales en matière de propriété intellectuelle, notamment en ce qui concerne la brevetabilité des logiciels et des intelligences artificielles (IA).
Une idée répandue est que ces innovations ne peuvent pas être brevetées. Mais qu’en est-il vraiment ?
La brevetabilité des logiciels
Il est partiellement vrai qu’un logiciel en tant que tel n’est pas brevetable. Un simple programme de gestion comptable, par exemple, pourra très difficilement aboutir à la délivrance d’un brevet, notamment en Europe.
En revanche, lorsqu’une invention apporte une contribution technique avérée, un brevet est tout à fait envisageable. C’est le cas, par exemple, d’un algorithme de compression de données, d’un système améliorant la sécurité des échanges, d’un procédé de traitement de signal ou d’images, voire d’un modèle générant une voix de synthèse.

Quelles sont les conditions pour breveter un logiciel ?
Pour qu’un logiciel soit brevetable, il doit répondre à des critères spécifiques établis par les offices de brevets, tels que l’Office européen des brevets (OEB) et l’Office des brevets américains (USPTO). Les principaux critères incluent :
- Une solution technique à un problème technique : l’invention doit résoudre un problème technique clairement identifié
- La nouveauté : Le logiciel doit être nouveau et ne pas avoir été divulgué au public avant la demande de brevet.
- L’inventivité : Le logiciel doit impliquer une activité inventive, c’est-à-dire qu’il ne doit pas être une simple combinaison évidente d’éléments connus
L’application industrielle : Le logiciel doit avoir une application industrielle pratique.
À titre d’illustration, une décision des chambres de recours de l’Office Européen des Brevets a confirmé que l’utilisation d’un réseau neuronal pour la surveillance des battements cardiaques afin de détecter des irrégularités constituait une invention technique (décision T 0598/07 du 19/05/2010).

Les défis juridiques
Le principal enjeu de la brevetabilité des logiciels est de démontrer leur contribution technique. Les logiciels ne sont pas brevetables s’ils sont considérés comme de simples programmes informatiques. En revanche, un programme informatique qui résout un problème technique peut être protégé par un brevet avec pour objet un procédé comprenant des étapes mises en œuvre par le programme informatique.
L’approche américaine était historiquement plus souple qu’en Europe, et bien qu’elle se soit durcie ces dernières années, elle offre encore des opportunités intéressantes pour la brevetabilité des logiciels. L’USPTO continue d’accorder des brevets lorsque les inventions présentent une contribution technique significative.
La contrefaçon des brevets logiciels
La contrefaçon de brevets logiciels est une problématique récurrente.
Pour démontrer une contrefaçon, il est souvent nécessaire d’analyser le code source du présumé contrefacteur afin de vérifier s’il implémente les caractéristiques brevetées. Par exemple, en France, il faudra généralement organiser une saisie-contrefaçon pour récupérer ce code source et obtenir les preuves nécessaires à une action en justice.
Faire appel à un expert en propriété intellectuelle et en analyse logicielle est une étape essentielle pour identifier et prouver la contrefaçon d’un brevet.
Une expertise technique permet d’établir une correspondance entre l’invention brevetée et la technologie exploitée par un tiers, ce qui est un élément clé dans une procédure de défense des droits de propriété industrielle.
L’intelligence artificielle est-elle éligible au brevet ?

Croissance exponentielle des demandes de brevets IA
L’intelligence artificielle et la course mondiale à l’innovation brevetée
Les technologies d’intelligence artificielle (IA) sont aujourd’hui au cœur des stratégies d’innovation, tous secteurs confondus. Ce dynamisme se traduit par une croissance exponentielle des demandes de brevets portant sur l’IA à l’échelle mondiale, en particulier dans des domaines comme la vision par ordinateur, le traitement du langage naturel, ou encore les systèmes prédictifs.
La Chine domine très largement cette course, en volume de dépôts, devançant les États-Unis, la Corée du Sud et l’Europe. Ce mouvement reflète une tendance lourde : l’IA n’est plus seulement une technologie d’avenir, elle est désormais un actif stratégique à protéger.
Pourtant, en Europe comme en France, des idées reçues persistent sur la brevetabilité des inventions liées à l’IA, souvent perçue comme un domaine exclu du champ des brevets. En réalité, il est tout à fait possible de breveter des solutions techniques mettant en œuvre ou exploitant l’IA, sous réserve de satisfaire certains critères de brevetabilité.
Évolution du nombre de brevets en IA

Quelques chiffres…
54000
Nombre de brevets en IA générative déposés dans le monde
+ 30%
de dépôts IA par an dans le monde
38000
Nombre de brevets en IA générative déposés en Chine

Critères de brevetabilité d’une IA
Comme pour les logiciels, une invention basée sur l’IA doit répondre aux critères de nouveauté, d’activité inventive et d’application industrielle.
Cependant, une difficulté récurrente est d’expliquer clairement le fonctionnement de l’IA dans la demande de brevet. Un système trop opaque, ou « boîte noire », risque en effet d’être rejeté pour insuffisance de description.
Pour maximiser les chances d’obtention d’un brevet, il est conseillé de :
- Démontrer son caractère non évident.
- Bien détailler le modèle d’IA utilisé
- Expliquer en quoi son fonctionnement apporte une solution technique
Points de vigilance en matière de propriété intellectuelle pour les inventions liées à l’IA
Si les inventions mettant en œuvre de l’intelligence artificielle peuvent faire l’objet d’une protection par brevet, leur traitement par les offices de propriété industrielle soulève plusieurs enjeux techniques, juridiques et stratégiques qu’il convient d’anticiper dès la phase de développement.
Voici les principaux points de vigilance à intégrer dans votre démarche :
Exemple d’invention IA brevetée : système de diagnostic médical assisté par IA
La contribution technique étant considérée comme allant au-delà d’une simple implémentation d’un algorithme abstrait, le brevet a été accordé par l’OEB.
L’IA, un levier d’innovation… à protéger dès aujourd’hui
Les innovations intégrant de l’intelligence artificielle peuvent bel et bien être protégées par brevet – à condition de répondre à certains critères techniques. Contrairement aux idées reçues, l’IA n’est pas exclue du champ de la propriété industrielle : elle impose simplement d’adopter une stratégie de protection adaptée et rigoureuse.
Un conseil en propriété industrielle vous aidera à :
- Identifier ce qui est brevetable dans vos solutions IA,
- Sécuriser les droits associés aux données, algorithmes et logiciels,
- Rédiger des demandes solides et techniquement argumentées,
- Choisir la meilleure stratégie de protection (brevets, droits d’auteur, secret…).
Mai 2025