Par un arrêt du 1er août 2025 (C-452/24, Lunapark Scandinavia Oy Ltd / Hardeco Finland Oy), la CJUE réaffirme, qu’en matière de marque, seul l’enregistrement confère un droit opposable. Un simple usage, aussi ancien soit-il, ne saurait primer sur un titre enregistré.

Les faits
La société Lunapark est titulaire de la marque « DRACULA », déposée en 2003 pour désigner des produits de confiserie. Elle les importe et les commercialise en Finlande, les emballages arborant la marque « DRACULA » ainsi que des éléments figuratifs représentant le célèbre personnage éponyme.
La société Karkkimies (rachetée en 2019 par Hardeco) importait et commercialisait sur ce même marché des confiseries portant le signe « DRACULA » avant même l’enregistrement de la marque par Lunapark.
Il est à noter que ni Karkkimies ni Hardeco, qui a repris les activités de la première, ne détenaient de marque enregistrée sur la dénomination « DRACULA ».
En 2020, Lunapark engage une action en contrefaçon de sa marque « DRACULA » à l’encontre de Hardeco.
En défense, Hardeco fait valoir l’inaction prolongée de Lunapark et la tolérance en résultant, estimant que cette passivité, conjuguée à la coexistence durable des marques sur le marché, devait faire échec à toute action en contrefaçon.
L’affaire est finalement portée devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dont la décision est intéressante plus particulièrement sur les deux points suivants :
La Cour rappelle que la forclusion par tolérance, invoquée par Hardeco, ne s’applique par à l’égard d’une marque non-enregistrée
Le mécanisme de la forclusion par tolérance, repris à l’article 9 de la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 et transposé dans les droits nationaux des États membres, prévoit que le titulaire d’une marque antérieure qui a toléré, pendant une période ininterrompue de cinq ans, l’usage d’une marque postérieure enregistrée, ne peut plus en contester la validité ni en interdire l’usage.
Autrement dit, celui qui reste inactif face à l’usage d’une marque enregistrée – alors qu’il en connaît l’existence – ne peut plus, après cinq ans de coexistence, le contester. Ce mécanisme vise à préserver la sécurité juridique et à assurer la stabilité des opérateurs économiques, en sanctionnant la passivité du titulaire d’un droit antérieur.
Sans surprise, la CJUE rappelle dans le présent arrêt que ce mécanisme ne bénéficie qu’à celui qui détient une marque enregistrée. Un opérateur qui se contente d’utiliser un signe sans l’avoir déposé ne peut donc pas invoquer la tolérance pour se protéger d’une action en contrefaçon tardive.
L’arrêt illustre qu’une marque enregistrée prime sur un simple usage
Un autre point très intéressant tient au fait que l’usage du signe « Dracula » par la société Karkkimies (repris par la suite par la société Hardeco) était antérieur au dépôt de la marque effectué par la société Lunapark.
Or, cette dernière a néanmoins pu invoquer sa marque enregistrée pour s’opposer à l’usage d’un signe pourtant plus ancien et présent sur le marché depuis longtemps, dès lors que celui-ci n’avait pas fait l’objet d’un enregistrement.
Ainsi, cet arrêt illustre que, dans un système où le droit privatif sur la marque naît essentiellement de son enregistrement – et non de son usage – comme c’est le cas au sein de l’Union européenne, une marque régulièrement déposée et enregistrée prime sur un simple usage, même si ce dernier est antérieur et ancien.
Il est important de rappeler qu’en l’absence d’enregistrement, un signe peut encore constituer, sous certaines conditions, un droit opposable à une marque lorsqu’il est utilisé en tant que nom commercial, enseigne, dénomination sociale ou nom de domaine. Par ailleurs, un signe peut également bénéficier d’une protection lorsqu’il est notoirement connu, au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris, c’est-à-dire lorsqu’il jouit d’une renommée significative auprès du public concerné.
En l’espèce, toutefois, la société Hardeco ne semble pas avoir été en mesure de se prévaloir d’aucun de ces droits, et se trouve dès lors privée de tout fondement juridique pour s’opposer à une marque, pourtant postérieure.
Conclusion
Cet arrêt confirme la sécurité juridique que procure l’enregistrement d’une marque. Celui-ci constitue non seulement un outil efficace de protection contre les usages non autorisés de tiers, mais permet également d’éviter toute situation de blocage dans l’exploitation de ses propres activités, voire le risque de se retrouver en position de contrefacteur. L’usage antérieur, même prolongé, ne confère pas le même niveau de protection que le dépôt et l’enregistrement d’une marque.
November 2025