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La loi PACTE durcit la délivrance des brevets français

Les sociétés françaises, de tout temps, déposent moins de brevets que leurs homologues étrangers (quatre fois moins que les sociétés allemandes).

La loi PACTE prévoit de modifier les règles de délivrance des brevets français.

A l’origine de cette modification, un constat : le brevet français étant DÉLIVRÉ TROP FACILEMENT par l’INPI, c’est donc un brevet de faible valeur ; c’est pourquoi les entreprises françaises s’en détourneraient.

Et pourtant, le brevet français est une arme redoutable à l’égard de la concurrence.

N’oublions pas qu’un brevet est, pour la société qui le détient, un DROIT D’INTERDIRE.

Un brevet délivré présente ainsi un champ de protection, un objet avec des caractéristiques spécifiques par exemple, et empêche les concurrents de reproduire l’objet protégé par ce brevet.

A ce jour, l’INPI délivre un brevet français dès lors que son objet est manifestement NOUVEAU par rapport à ce qui existait avant le dépôt du brevet, de telle sorte que les brevets français sont délivrés avec un champ de protection qui peut être très large.

Or la loi française, comme les autres lois de brevets étrangères, prévoit que pour qu’un brevet soit considéré valide par le TRIBUNAL FRANÇAIS, l’objet du brevet doit être non seulement nouveau mais également présenter une ACTIVITÉ INVENTIVE, c’est-à-dire résoudre de manière non évidente un problème technique.

C’est ce critère d’activité inventive que la loi PACTE prévoit d’introduire dans l’examen qui est conduit par l’INPI. L’INPI ne délivrerait ainsi un brevet que si son objet est NOUVEAU ET INVENTIF.

La procédure de délivrance serait alors durcie, ce qui aurait pour conséquence probable de renchérir le coût d’obtention d’un brevet français (aujourd’hui, le montant des taxes dues à l’INPI au dépôt est inférieur à 550€) et d’en retarder la délivrance.

En outre, alors qu’aujourd’hui le titulaire d’un brevet français peut détenir un titre, et donc un droit d’interdire, avec un champ de protection très étendu, l’examen de l’activité inventive conduira à l’obtention d’un brevet français plus limité.

Bien entendu, on peut se poser la question légitime de l’intérêt d’avoir un brevet de portée très large si celui-ci peut être invalidé par un tribunal qui tient compte de la nouveauté et de l’activité inventive pour juger un brevet valide.

Cependant, foi est dû au titre : en l’absence de contestation, le brevet délivré par l’INPI, de protection large, est valide et dissuasif à l’égard des concurrents.

En outre, le breveté a la possibilité, à tout moment après la délivrance de son brevet, d’introduire devant l’INPI une procédure de limitation de son champ de protection dans le but d’en renforcer la validité.

Ainsi, le breveté peut, lorsqu’il souhaite faire valoir ses droits en France à l’égard de contrefacteurs, modifier son brevet afin qu’il soit reconnu à la fois brevetable et contrefait dans le cadre d’une action en justice devant le Tribunal français.

Cette souplesse du brevet français se perdrait si le critère d’activité inventive devait être examiné par l’INPI.

Les modifications proposées par la loi PACTE sur les critères de délivrance pourraient bien avoir l’effet inverse attendu, rendant plus chère, plus longue et plus difficile l’obtention d’un brevet français.

Seule une meilleure connaissance du droit des brevets par les ingénieurs et chercheurs serait probablement à même d’augmenter le nombre de dépôts de brevets par les PME/TPE et start-up françaises.

Article rédigé par d’Hélène Stankoff, Associée du Cabinet, paru dans Les Echos, le 26 décembre 2018.